Prof. Dr. – Ing. Vera Hummel
Ingénieure en mécanique et docteure en ingénierie
Vice-doyenne à la recherche et professeure d’ingénierie industrielle, usine intelligente et logistique; en charge de l’usine-école Werk150 à l’école ESB Business School, université de Reutligen
Dirige le développement du concept de cours et séminaires Gestion système de chaîne d’approvisionnement soutenu par La Fondation Dassault Systèmes
ZOOM
En 2018, l’ESB Business School a reçu le soutien de La Fondation Dassault Systèmes pour le développement d’une méthode d’enseignement de la Gestion système de la chaîne d’approvisionnement qui permette d’acquérir des compétences d’une manière holistique et innovante. L’approche système inclut la conception, la visualisation, la mise en place virtuelle et la gestion des chaines logistiques intégrées avec les flux matériels et d’information. Elle permet aux étudiants d’apprendre en faisant des simulations de différents scénarii logistiques dans le monde virtuel, puis de les expérimenter dans le monde réel de l’usine-école.
D’un petit boulot sur une chaîne de montage après l'école à l'ingénierie mécanique
A 14 ans, Vera Hummel était déjà assise sur une chaîne de montage dans une usine pendant son temps libre, gagnant de l’argent pour ses loisirs, pour partir en vacances et s’acheter de beaux vêtements. Il n’est pas surprenant qu’une trentaine d’années plus tard, elle ait été à l’origine de la création de l’une des premières usines-écoles en Allemagne.
Adolescente, Vera aimait la technologie, les mathématiques et la physique. Pour elle, entrer dans un lycée technique était une évidence. Il y en avait un dans sa ville natale, mais à l’époque, les filles n’étaient pas admises - jusqu’à ce que Vera soit l’une des deux premières filles à y entrer. Elle a ensuite poursuivi des études d’ingénierie mécanique à l’université de sciences appliquées de Constance, avec le soutien de ses parents. « Mon père était technicien en construction mécanique, il m’a toujours dit que je pouvais faire les études que je souhaitais, quand je le souhaitais » explique-t-elle.
Une carrière à la croisée de l’industrie, de la recherche et de l’éducation
Vera Hummel a passé les six premières années de sa carrière chez Mercedes Benz en Suisse, puis en Afrique du Sud. Par la suite, elle a quitté le secteur automobile pour rejoindre la célèbre société Fraunhofer et travailler sur des problématiques d’excellence commerciale, de réorganisation, et de gestion de la qualité au sein de l’IPA à Stuttgart, l’institut Fraunhofer spécialisé en systèmes de production et automatisation. Après l’obtention de son doctorat, sa passion pour les sciences et la recherche l’ont incitée à poursuivre en tant que professeur et non à retourner dans l’industrie contrairement à bon nombre de ses homologues docteurs de l’époque.
De l’industrie à l’enseignement, en passant par le conseil et la recherche, la grande diversité de son expérience professionnelle l’a conduite à être convaincue qu’enseignement et recherche vont de pair. En tant que Vice-Doyenne en charge de la recherche à l’ESB Business School de l’université de Reutlingen, poste qu’elle occupe actuellement, elle s’efforce de les faire travailler main dans la main. Les étudiants étant les experts de demain, il est primordial de les impliquer dans les projets de recherche bien en amont afin qu’ils puissent développer les bonnes compétences. La formation pratique permet également de réduire les barrières d’accès aux nouvelles technologies. C’est dans cet état d’esprit que Vera a conçu et mis en place une nouvelle usine-école après son arrivée à l’ESB Business School en 2010, usine dénommée Werk150 qu’elle dirige encore aujourd’hui.
Depuis 2018, elle poursuit des recherches sur la Gestion de système de chaine d’approvisionnement, projet pour lequel elle a reçu un financement de La Fondation Dassault Systèmes. L'objectif en est d’étudier comment les plateformes commerciales intégrées peuvent être utilisées pour gérer les systèmes complexes tels que les chaînes d’approvisionnement, et de développer de nouvelles méthodologies plus durables.
Avoir une influence positive
« C’est intéressant de mettre à la disposition d’un groupe de jeunes gens toute cette nouvelle connaissance autour du monde virtuel, de la technologie des jumeaux virtuels et le potentiel incroyable des plateformes commerciales, » dit Vera en donnant l’exemple d’un projet qu’elle mène actuellement avec des étudiants de Master. Deux jours par semaines sur un cycle de 15 semaines, sept d’entre eux doivent développer un produit intelligent, personnalisé et dont le développement s’inscrit dans une démarche d’économie circulaire. De l’idée à la fabrication du prototype, en passant par la conception du modèle et la réalisation de simulations, les étudiants doivent aborder toutes les étapes du cycle de vie du produit. « L’un des aspects les plus importants de ce projet est vraiment de développer les compétences de ces jeunes gens. L’idée étant de tirer parti des nouvelles technologies pour leur permettre d’avoir une approche différente du processus de développement de produits qui, dès le départ, tienne compte de la durabilité, en pensant aux matériaux, à l’utilisation du produit à long terme et au recyclage ».
L’usine-école a un autre avantage : elle offre un environnement « sûr ». A savoir que contrairement à ce qu’il se passe dans le monde réel, s’il y a un problème, cela ne va pas stopper net la chaîne de production avec toutes les conséquences que l’on peut imaginer. Les étudiants pourront tout simplement modifier certains paramètres et faire un nouvel essai. « C’est important que tout le monde puisse avoir le même accès aux technologies. Nous pouvons contribuer à donner aux filles et aux jeunes femmes les moyens d’accéder à la science et à la recherche en les laissant entrer dans notre usine et en les encourageant. Elles sont aussi douées que leurs camarades mais en raison de leur origine ou de l’environnement social, il arrive qu’elles n’en soient pas conscientes. Quand nous les voyons hésitantes face aux nouvelles technologies, nous devons simplement les aider à surmonter leurs doutes ».
Son expérience en tant qu’enseignante lui a permis de constater que les jeunes hommes abordent souvent les nouvelles technologies avec une plus grande maturité. Lorsqu’elle traite des usines intelligentes et des robots collaboratifs par exemple, Vera a pu observer la situation suivante. Une fois le cours magistral terminé, lorsque le groupe se retrouve dans l’enceinte de l’usine-école pour la mise en application avec les cobots, les étudiantes ont tendance à se mettre en retrait alors que les étudiants, eux, restent en première ligne. Elles peuvent mettre un peu plus de temps à s’approprier les nouvelles technologies, mais Vera remarque que lorsqu’elles ont franchi ce cap et se sentent plus à l’aise, elles sont alors bien plus ouvertes. Ce sont elles que l’on va retrouver continuant à s’exercer bien après la fin du cours jusqu’à la fermeture de l’usine-école à 20h ou 21h. Et dans un environnement numérique, c’est intéressant de constater que c’est un peu l’inverse qui se produit. Le plus souvent, ce sont les jeunes femmes qui vont se mettre à utiliser les technologies plus rapidement que les jeunes hommes.
Inspirer et responsabiliser
En s’appuyant sur sa propre expérience, Vera Hummel aimerait partager ces quelques messages à l’intention des filles et des jeunes femmes. « Suivez votre chemin et votre vérité. Ne renoncez pas. Quoique vous ayez envie de faire, faites-le. Et quand vous commencez quelque chose, finissez-le, n’abandonnez pas en cours de route ». Elle souligne également l’importance des programmes de mentorat. « Ne soyez pas timides. Si vous avez la chance de trouver un mentor, saisissez cette formidable opportunité et appuyez-vous sur ce partenaire de confiance avec lequel vous pourrez discuter ouvertement de l’évolution de votre carrière, des compétences qu’il vous manque et que vous devez acquérir. C’est tellement précieux ».
Vera sait mieux que quiconque à quel point il est important d’avoir quelqu’un sur qui compter. Au début de sa carrière, elle s’est trouvée face à un choix drastique : quitter son poste – en 1986, en tant que jeune ingénieure dans une société traditionnelle, ce n’était pas toujours facile – ou bien demander de l’aide pour s’en sortir. Vera a choisi la deuxième option et s’est tournée vers celui qui était alors le PDG de Mercedes Benz en Suisse. Il lui avait tendu la main lors de leur première rencontre et l’a toujours soutenue par la suite. Un peu plus tard dans sa carrière, Vera a également pu compter sur les encouragements de son chef de département à l’institut IPA Fraunhofer.
Dans le même ordre d’idées, Vera recommande aux jeunes femmes de commencer à se constituer un réseau le plus tôt possible. Elle souligne l’importance d’établir des contacts et de les entretenir via les associations d’anciens élèves et les associations professionnelles par exemple.
Elle termine par un dernier conseil: « Lorsque vous êtes en position de leader, gardez toujours en tête que vous êtes seulement aussi bons que votre équipe l’est. La partie numérique de l’usine-école derrière moi ne fonctionnerait jamais sans Beate Brenner, ma collègue chercheuse. J’ai besoin de toute l’équipe pour continuer à développer cette usine. Vous ne pouvez rien faire tout seul, et si vous n’en avez pas conscience, alors c’est tout simplement voué à l’échec sur le long terme. »