Femmes et filles dans les sciences : un long chemin vers l'égalité de genre
À l'occasion du 10e anniversaire de la Journée internationale des femmes et des filles de science, il est urgent de réfléchir aux progrès accomplis et aux défis qui restent à relever pour faire progresser l'égalité entre les genres dans la science. La Fondation Dassault Systèmes s'est entretenue avec trois femmes scientifiques remarquables qui façonnent l'avenir dans leurs domaines respectifs, grâce à son soutien.
La Fondation Dassault Systèmes s’engage à encourager les jeunes filles issues de divers horizons à poursuivre des carrières scientifiques, tout en apportant son soutien aux femmes scientifiques qui mènent des recherches de pointe.
Le 11 février 2025 marque une étape importante : le 10e anniversaire de la Journée internationale des femmes et des filles de science, établie en 2015 par l'Assemblée générale des Nations Unies. Cette journée met à l'honneur les contributions des femmes à la science. Elle est aussi l'occasion de faire le point sur les progrès accomplis et les défis qui demeurent. Bien que des avancées réelles soient visibles, l'égalité de genres dans le domaine des sciences, de la technologie, de l'ingénierie et des mathématiques (STIM) est encore loin d'être atteinte. Les femmes restent sous-représentées, en particulier aux postes de direction, et les stéréotypes de genre continuent de limiter les aspirations des jeunes filles. Cette journée est l'occasion d'explorer le rôle essentiel des femmes dans l'innovation scientifique et de réfléchir à ce qui peut être fait pour rendre la science véritablement accessible à tous, quel que soit le genre.
Trois femmes de science remarquables, menant des projets de recherche avec le soutien de la Fondation Dassault Systèmes, partagent leurs réflexions sur la sous-représentation des femmes dans les STEM et sur les moyens de relever ce défi.
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Véronique Stoven
Professeure à l'École des Mines et chercheure au Centre de Bio-informatique (CBIO) de Mines Paris-PS en France, Véronique Stoven a fait de la biologie computationnelle – un domaine à la croisée des mathématiques, de l'informatique, de la biologie et de la médecine – son terrain d’expression.
Bien qu’ayant le sentiment d’avoir été respectée, soutenue et encouragée tout au long de son parcours, au CNRS, à l’Ecole Polytechnique, puis à l’École des Mines, Véronique Stoven a pu observer un écart de genre important dans la recherche scientifique, en particulier dans les postes de direction. Toutefois, elle note aussi une évolution positive depuis ses débuts dans les années 1990. Dans son domaine, où les hommes occupent encore majoritairement les postes à responsabilité, « la proportion de femmes dans la jeune génération augmente, et parmi elles, il y a des femmes dont le parcours professionnel s’annonce prometteur ».
« Tout au long de ma carrière de chercheure, les choix de projets ont été le résultat de rencontres humaines qui nous ont donné l’envie de travailler ensemble ». Le projet de recherche sur lequel Véronique Stoven travaille actuellement, avec le soutien de La Fondation Dassault Systèmes, ne fait pas exception. Il est le fruit d’une rencontre avec Isabelle Sermet, PU-PH à l'hôpital Necker à Paris. Rejointes par deux collègues (Laurence Calzone et Loredana Martignetti) de l'Institut Curie, elles dirigent une équipe multidisciplinaire exclusivement féminine qui s'efforce de mieux comprendre les mécanismes à l'origine de maladies génétiques complexes, en particulier la mucoviscidose. Le principe du projet repose sur des approches conjointes de biologie des systèmes – une approche utilisée jusqu’à maintenant surtout dans le domaine du cancer – et d’expériences biologiques pour étudier le comportement des cellules respiratoires malades et saines. L'objectif est d'identifier de nouvelles stratégies thérapeutiques pour les patients porteurs de mutations qui ne sont pas éligibles aux traitements les plus récents. L'équipe espère également adapter cette méthodologie à d'autres maladies génétiques.
« Au-delà de la complémentarité des compétences, il s'agit de former une équipe soudée portée par un objectif commun, au sein de laquelle on prend un plaisir humain autant qu’intellectuel à travailler, » souligne Véronique. « En recherche, le but fait toujours rêver, mais le quotidien est souvent plus ingrat, les résultats longs à obtenir, et le découragement peut s'installer si l'on n'est pas soutenu par la vie d’équipe. »
Elle insiste sur l’importance de la confiance en soi chez les jeunes filles dès leur plus jeune âge, pour envisager la science comme une possibilité pour leur avenir. « S’engager dans la voie d’une carrière en recherche suppose d’avoir une certaine confiance en ses capacités d’y parvenir. Les filles peuvent penser que « ce n’est pas pour elles », et s’en sentir exclues avant même de tenter d’en faire partie. »
Elle est convaincue qu’un accompagnement à travers des témoignages de jeunes femmes scientifiques, des ateliers, des mini-projets adaptés selon l’âge, et des visites de laboratoires, permettrait de changer la perception des filles vis-à-vis des carrières scientifiques. « Il faut lutter contre les préjugés et proposer un meilleur accompagnement très tôt dans la scolarité afin de développer les vocations. »
Véronique Stoven est l'illustration que la recherche peut aussi rimer avec vie de famille et épanouissement personnel. « J’ai pu me réaliser en tant que chercheure, mais aussi fonder une famille nombreuse. C'est un équilibre délicat, et j’ai parfois dû renoncer à prendre la direction d’équipes, mais c’est une fierté d’avoir mené les vies personnelles et professionnelles que j’ai choisies. »
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Dr Rahee Walambe
Rahee Walambe, chercheuse associée au Symbiosis Centre for Applied Artificial Intelligence (SCAAI) et professeure associée au Symbiosis Institute of Technology en Inde, est une figure de proue de la recherche en intelligence artificielle (IA). Elle se concentre sur des projets qui tirent parti de la technologie pour résoudre des problèmes concrets, qu'il s'agisse de la gestion des catastrophes naturelles ou l'accès aux soins.
En réfléchissant à l'écart entre les hommes et les femmes dans les STIM dans son pays, le Dr Walambe souligne que, s'il reste important dans les principaux domaines de l'ingénierie, les domaines émergents tels que l'IA et le machine learning attirent progressivement davantage de femmes, bien qu'un fossé persiste entre les zones urbaines et rurales. Pourtant, avec seulement 29 % de femmes parmi les travailleurs spécialisés en IA, les disparités de genre dans ce domaine peuvent avoir des conséquences considérables car elles conduisent à des données et à des algorithmes biaisés qui ne représentent pas la diversité des perspectives. Le Dr Walambe explique que « lorsqu'il y a un manque de diversité au sein des équipes d'IA, les technologies qu'elles créent sont plus susceptibles de perpétuer les préjugés sociétaux existants ». Il peut en résulter des systèmes d'IA involontairement discriminatoires, tels que des algorithmes de recrutement qui favorisent un genre, ou des logiciels de reconnaissance faciale moins précis pour les femmes et les minorités. « Ces préjugés posent de sérieux risques », ajoute-t-elle. Il est essentiel de veiller à ce que les équipes de développement d'IA soient diversifiées pour créer des technologies inclusives et éthiques qui soient réellement au service de tous.
Avec le soutien de La Fondation Dassault Systèmes, le Dr Walambe dirige deux projets de recherche significatifs. Le premier se concentre sur l'utilisation de drones exploitant l'IA pour améliorer l'efficacité et la précision des opérations de recherche et de sauvetage lors de catastrophes naturelles. « Les modèles d'IA traditionnels sont souvent des « boîtes noires » donnant des réponses sans expliquer pourquoi. Notre modèle d'IA ne se contente pas de détecter les personnes et les animaux, il explique également ses décisions, ce qui le rend plus fiable pour les secouristes », explique-t-elle. Le second projet, vise quant à lui à améliorer l'accès aux soins grâce au développement d'un modèle d'IA capable de détecter automatiquement la rétinopathie du prématuré (ROP), une maladie oculaire grave chez les bébés prématurés, qui peut entraîner la cécité.
Malgré les progrès réalisés en matière de parité hommes-femmes, elle souligne que les femmes en Inde sont confrontées à des pressions sociétales et culturelles, avec seulement 14 % des femmes diplômées en STIM présentes sur le marché du travail. Les attentes sociétales, les préjugés culturels, la répartition inégale des tâches ménagères, une flexibilité limitée au travail et un soutien professionnel insuffisant continuent d'entraver leurs perspectives de carrière. « Pour y remédier, il faut des changements systémiques, notamment des politiques qui favorisent l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée et des changements culturels qui encouragent le partage des responsabilités à la maison ».
Rahee Walambe identifie également l'autocensure et le manque de modèles comme les principaux obstacles à la participation des femmes dans les STIM, influencés par leur milieu socio-économique. « Dès leur plus jeune âge, les filles sont découragées de s'orienter vers les STIM en raison des stéréotypes liés de genre. Le manque de rôle-modèles visibles limite leurs aspirations », explique-t-elle. « Créer des environnements pour les accompagner, offrir des programmes de mentorat, améliorer la représentation et souligner que l'échec fait partie du processus peut aider les jeunes filles à se projeter dans des carrières scientifiques. »
Le Dr Walambe est fière de l'engagement de l’Université Symbiosis et du SCAAI en faveur de la diversité des genres, qui se traduit par une forte présence des femmes dans la recherche et dans le monde universitaire. « Bien que des progrès aient été réalisés, nous devons poursuivre nos efforts pour garantir un environnement inclusif où toutes les voix sont entendues », déclare-t-elle.
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Dr Irina Garces
Professeure assistante à l'Université Carleton au Canada, le Dr Irina Garces, originaire d’Équateur, dirige le Materials as Machines Lab où ses travaux novateurs sur les matériaux composites polymères repoussent les limites de l'ingénierie en produisant des matériaux intelligents capables de s'adapter à des conditions environnementales variables. Évoluant dans un domaine traditionnellement dominé par les hommes, Irina s'est engagée à créer des environnements d'apprentissage et de recherche plus inclusifs pour les futures générations de femmes dans les sciences et l'ingénierie.
« L’écart entre hommes et femmes dans le domaine des sciences et des technologies est une réalité. En génie mécanique, les femmes restent largement sous-représentées à tous les niveaux », souligne le Dr Garces. Un nombre croissant de femmes investissent ce domaine et assument des postes de direction, mais il reste encore beaucoup de chemin à parcourir. Ayant elle-même subi le poids des biais inconscients, des doutes quant à ses capacités, mais aussi des difficultés à concilier responsabilités professionnelles et personnelles, surtout depuis qu'elle est récemment devenue mère, elle est déterminée à faire évoluer les mentalités et à combattre les stéréotypes de genre et l'autocensure.
« Favoriser la confiance en soi, veiller à ce que toutes les voix soient entendues - en particulier celles des groupes sous-représentés - mais aussi s'assurer que les femmes dans les STIM puissent être reconnues et aient accès aux ressources et aux opportunités nécessaires pour s'épanouir seront les clés d'un changement significatif et durable ». Le Dr Garces estime que le mentorat est essentiel : « En tant que mentor, je me soucie bien entendu de l'excellence scientifique mais également du bien-être de mes étudiantes et de mes mentorées. Il est primordial de veiller à ce qu'elles se sentent soutenues, valorisées et autonomes. Je prends cette responsabilité très au sérieux. Pour elle, le mentorat ne se limite pas au développement sur un plan purement académique, il consiste aussi à créer un espace où les jeunes femmes se sentent écoutées et encouragées à poursuivre leurs ambitions et à atteindre leur plein potentiel.
Son projet de recherche actuel, soutenu par La Fondation Dassault Systèmes, est un parfait exemple d'innovation pour l'intérêt général. S'inspirant de sa passion pour la course à pied, le Dr Garces et son équipe développent des prothèses intelligentes innovantes et peu coûteuses dotées de capteurs de pression imprimés en 3D intégrés dans les prothèses. Cette innovation permet d'obtenir un retour d'information en temps réel sur l'ajustement et le confort de la prothèse, un concept qu'elle associe à sa propre expérience du suivi des données de performance en course à pied. « Ce projet ne se limite pas à faire progresser l'impression 3D pour les applications de détection. Il s'agit d'améliorer le confort et la fonctionnalité des prothèses et de les rendre plus accessibles à ceux qui en ont besoin », explique-t-elle. Ce projet s'inscrit dans son ambition plus large d'améliorer l'accès aux soins et d'aider les individus à prendre leur santé en main.
Irina Garces est profondément engagée à inspirer la prochaine génération de filles à s’orienter dans les domaines des STIM. Son conseil est simple mais puissant : « Votre curiosité, votre créativité et vos compétences en matière de résolution de problèmes ont autant de valeur que celles de n'importe qui d'autre. L'ingénierie n'est pas qu'une question d'équations, c'est une question d'innovation, d'impact et de volonté d’améliorer le monde qui nous entoure. Appuyez-vous de mentors et de pairs qui vous soutiennent, trouvez des modèles inspirants et n'ayez jamais peur de faire entendre votre voix. Croyez en vos capacités, recherchez des opportunités et n'oubliez pas que votre contribution est importante. »